Sylvie et Jean-Luc Chisson sont inquiets en voyant les murs de leur maison se fissurer à cause de la sécheresse. (Jean-François Monier/AFP)
« On ne peut que regarder la maison s’écrouler ! » Depuis l’été 2020, Sylvie et Jean-Luc Chisson voient, impuissants, leurs murs se fissurer… Ce phénomène, causé par les sécheresses à répétition, menace des millions de maisons en France. Une proposition de loi vise à faciliter l’indemnisation.
Construite sur une terre argileuse, la maison de Sylvie et Jean-Luc Chisson subit les mouvements du sol, qui gonfle avec l’humidité et se tasse en période de sécheresse.
En 2003, année d’une canicule mémorable, les premières fissures étaient apparues. Leur commune, Coulaines (Sarthe), à côté du Mans, avait été classée en état de catastrophe naturelle et l’assurance avait payé pour refaire les murs abîmés.
Mais à l’été 2020, des fissures « en escalier », les plus sérieuses, sont à nouveau apparues sur un mur de la maison. Puis sur un deuxième en 2022.
« Quand on a vu le mur comme ça… ça fait peur », confie Jean-Luc Chisson, ancien chauffeur-livreur âgé de 62 ans.
Président de l’association Urgence Maisons fissurées Sarthe, qui revendique 400 adhérents, Mohamed Benyahia voit sa maison, dans la commune voisine de Neuville-sur-Sarthe, traversée depuis 2018 par une impressionnante lézarde, que des travaux curatifs n’ont pas résorbée.
« Depuis septembre 2018, je ne vis plus de la même façon. Plus d’activités personnelles, plus de loisirs… », confie cet ingénieur en informatique de 62 ans. « Même l’envie de faire un barbeuc, je ne l’ai plus ».
Des victimes qui n’arrivent pas à se faire indemniser
Comme eux, des millions de Français sont vulnérables au risque dit de « retrait-gonflement des argiles ». Appelé à s’aggraver avec le réchauffement climatique, qui accentue la fréquence et l’intensité des sécheresses, il menace surtout les maisons individuelles, aux fondations peu profondes. Plus de dix millions, soit une sur deux, sont construites sur un sol classé à risque moyen ou fort.
Une situation qui pose un problème économique majeur : qui paie les coûteux travaux de réparation et de prévention ? En France, le risque est couvert par le régime d’assurance des catastrophes naturelles. Mais beaucoup de victimes ne parviennent pas à se faire indemniser.
À Coulaines, une quarantaine de maisons se sont fissurées suite à l’été caniculaire 2022. Mais faute d’un arrêté ministériel de catastrophe naturelle incluant leur commune, personne n’a pu être indemnisé.
« On ne peut que regarder la maison s’écrouler ! », grince Sylvie Chisson. En 2020, elle n’a eu droit à rien non plus, pour les mêmes raisons.
« Ce qu’on ne comprend pas, ce sont les différences de traitement d’une commune à l’autre », déplore le maire (PS) de Coulaines, Christophe Rouillon. « Qu’est-ce qui fait qu’une commune à 10 kilomètres est retenue alors qu’une autre ne l’est pas ? Avec des terres qui sont les mêmes, les températures qui sont les mêmes… »
Une proposition de loi portée par Sandrine Rousseau
C’est à ce défaut qu’entend s’attaquer une proposition de loi portée par l’écologiste Sandrine Rousseau, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. « C’est une loi qui prend à bras-le-corps la protection dans le réchauffement climatique. Parce que là, une maison sur deux est menacée, ce qui signifie que si vous laissez faire, ni les assureurs ni l’État ne seront en capacité de gérer. Et donc il faut modifier les choses pour que l’État puisse anticiper », explique la députée.
Le texte prévoit de faciliter la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans les communes touchées. Et là où il a été reconnu, il rend plus difficile pour les assureurs de refuser des indemnisations.
Le coût des sinistres qui pourrait tripler, selon France Assureurs
« C’est vraiment un changement de rapport de force des assurés par rapport aux assureurs. Souvent, les assureurs essaient de montrer que ce n’est pas le retrait-gonflement des argiles la cause principale des désordres, ce qui laisse les propriétaires dans leur grande difficulté », justifie-t-elle.
Cette dernière mesure suscite l’opposition des assureurs, qui estiment qu’elle leur coûterait environ 1 milliard d’euros supplémentaire chaque année.
« Une telle décision aurait un impact financier très, très important sur l’équilibre financier du régime, qui est déjà déficitaire depuis plusieurs années », avance la présidente de France Assureurs, Florence Lustman.
Selon cette fédération, sur la période 2020-2050 et à réglementation constante, le coût des sinistres liés au retrait-gonflement des argiles devrait tripler par rapport aux trente années précédentes, et passer de 13,8 à 43 milliards d’euros.
Des habitants de Mézières-sur-Ponthouin, Ballon-Saint-Mars, Beaufay ou Courcemont ont assisté au printemps 2023 à une réunion de l’Association urgence maisons fissurées Sarthe.
Mohamed Benyahia et Fredy Bruteul sont venus à la rencontre des habitants de Mézières-sur-Ponthouin et des environs pour répondre à leurs questions et donner quelques conseils. | PHOTO LE MAINE LIBRE
Une trentaine de personnes a pris part à la réunion organisée par Véronique Portier, référente communale de l’AUMF (Association urgence maisons fissurées) Sarthe, et animée par Mohamed Benyahia, président. L’objectif était d’expliquer le déroulement de la procédure en vue de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, et de conseiller les sinistrés quant aux démarches à effectuer.
Mohamed Benyahia n’est pas optimiste
De Mézières-sur-Ponthouin, Ballon-Saint-Mars, Beaufay ou encore Courcemont, les personnes concernées sont venues chercher des réponses à leurs questions. « La sécheresse hivernale que nous venons de connaitre, et qui fait suite à une augmentation significative de la température depuis 2018, ne laisse rien présager de bon », prévient M. Benyahia.
Une maison sur deux est concernée par des problèmes de fissures en France. Mézières-sur-Ponthouin en compte une douzaine. Elle n’a pas été reconnue en l’état de catastrophe naturelle sécheresse ni en 2020, ni en 2021. » Nous ne sommes pas d’accord avec les critères retenus, mais avec ces critères, toutes les communes devraient être classées en l’état de catastrophe naturelle sécheresse en 2022″, souligne le président de l’AUMF-Sarthe, conseillant au maire de Mézières-sur-Ponthouin de contester la non reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sécheresse.
Pour M. Benyahia, l’étude de sol G5 serait préférable car elle permet d’identifier l’origine des désordres et ainsi de déterminer les travaux à entreprendre.
Trancher entre des avis d’experts
En outre, cette étude permet, le cas échéant, de trancher entre l’avis de l’expert de l’assuré et celui de l’expert de l’assureur. A ce propos, le maire Guy Cosme a conseillé aux victimes de faire faire leur propre expertise. Un habitant d’une commune voisine est venu raconter le long chemin parcouru entre l’apparition des premiers désordres sur son habitation en 2020 et la reconnaissance de sa commune en l’état de catastrophe naturelle sécheresse fin 2022. Il a conseillé de souscrire une assurance de protection juridique qui peut accompagner les différentes étapes du processus.
Pour les victimes de fissures, la première démarche est de se faire connaitre en mairie. « Il n’est pas nécessaire de faire de déclaration à son assurance tant que le décret classant la commune en l’état de catastrophe naturelle sécheresse n’est pas publié », a indiqué M. Benyahia qui a, en outre, conseillé de refaire sa déclaration en mairie chaque année tant que la commune n’est pas reconnue en l’état de catastrophe naturelle.
Une proposition de loi adoptée le 6 Avril
La proposition adoptée visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait gonflement de l’argile a été adoptée par les députés le 6 Avril. Elle doit ensuite être examinée par le Sénat puis revenir devant l’Assemblée nationale avant d’être promulguée.
L’AUMF-Sarthe attend impatiemment les indicateurs de Météo France pour 2022 qui devraient être publiés en Mai et déterminer la reconnaissance ou non des communes pour l’année écoulée.
C’est aujourd’hui la deuxième cause d’indemnisation au titre des catastrophes naturelles. Le phénomène des maisons fissurées concerne potentiellement plus de 10 millions d’habitations en France. Alors le texte adopté il y a 4 jours par les députés suscite pour les victimes, de l’espoir, comme dans la Sarthe.
Intervenants :
Hind Marchand , sinistrée
Mohamed Benyahia, président – Association Urgence maisons fissurées 72
Arrêté du 21 mars 2023 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle publié au journal officiel du 13 Avril 2023 – NOR : IOME2307449A
Extrait du Journal officiel
DÉPARTEMENT DE LA SARTHE
ANNEXE II : COMMUNES NON RECONNUES
Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols
Communes
Début de période
Fin de période
Chapelle-d’Aligné (La)
07/01/2021
31/12/2021
Procédures :
Le maire de la commune dispose de 2 mois pour formuler des recours gracieux ou auprès du tribunal administratif !
Parallèlement, les sinistrés de la commune, peuvent contester cette décision, en rejoignant la procédure de recours collectif auprès du tribunal administratif de Nantes, mise en place par notre association. Nous les invitons à prendre contact, rapidement, avec notre association.
Nos maisons se fissurent.
Notre patrimoine tombe en ruine, et pour certains sinistrés le leur n’existe déjà plus.
Nous sommes en 2023 et les arrêtés traitent des reconnaissances de 2020/2021.
Mohamed Benyahia, président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe, invité de France Bleu Maine ce lundi 10 avril 2023, appelle le gouvernement à enfin soutenir les propriétaires et le projet de loi porté par l’écologiste Sandrine Rousseau.
C’est un problème qui concerne plus de 10 millions de maisons en France. Ces habitations, construites sur des sols argileux, sont exposées à un fort risque de fissures lors des épisodes de sécheresse du fait du phénomène « retrait gonflement des argiles », phénomène accentué par le réchauffement climatique.
Depuis plusieurs années, les propriétaires se battent pour être indemnisés. Et ils viennent d’obtenir une avancée importante : un projet de loi porté par l’écologiste Sandrine Rousseau vient d’être voté par les députés. Si elle est adoptée, elle simplifierait la procédure pour l’obtention de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et l’indemnisation.
Le texte voté en première lecture à l’Assemblée nationale doit maintenant passer au sénat. Mais le gouvernement ne le soutient pas arguant que cela va trop couter trop cher aux compagnies d’assurance. Cela va « allonger les délais d’indemnisation » et « augmenter les primes d’assurance, au détriment des assurés » met en garde la ministre chargée des PME, Olivia Grégoire.
1.500 à 2.000 maisons fissurées en Sarthe
Une position qui indigne Mohamed Benyahia, le président de l’association Urgence maison fissurées Sarthe : « Nous invitons le gouvernement à aller visiter des maisons fissurées, à regarder les familles avec des enfants qui pleurent la nuit, à regarder où vivent ces gens-là parce que le gouvernement doit aussi prendre en compte la situation réelle. Cela fait plus de quatre ans que l’on lutte et que l’on parle à un mur. Il faut arrêter de se cacher derrière des aspects techniques et la langue de bois« .
Avec une maison sur deux concernées en France par le risque de fissures, l’enjeu financier est considérable, mais Mohamed Benyahia estime que « quoi qu’il en coute, le gouvernement doit prendre le problème à bras le corps« . Actuellement, selon Urgence maisons fissurées Sarthe, il y aurait entre 1.500 et 2.000 habitations fissurées dans le département. Ce nombre pourrait fortement augmenter dans les prochains mois, affirme Mohamed Benyahia : « avec la sécheresse de cet hiver, on risque d’avoir de gros dégâts. 2023 va être très difficile« .
Construites sur des sols argileux, plus de 10 millions d’habitations sont potentiellement menacées par des fissures en France. Un texte adopté le 6 avril par les députés vise à modifier les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Reportage chez des sinistrés à Sargé-lès-le-Mans en Sarthe.
Depuis trois ans, la famille Marchand vit un calvaire. La maison de ces Sarthois, construite à Sargé-lès-le-Mans sur un sol argileux, se fissure de partout. » Là, c’était vraiment un trait, un écartement, au mois de mai quand l’huissier de justice s’est déplacé. C’est au retour de vacances au mois d’août qu’on a remarqué qu’on pouvait passer nos doigts dans les fissures.«
Un « RGA », soit un retrait-gonflement du sol argileux, est à l’origine de ce sinistre. Hind et son mari ont dû apprendre à vivre avec. » Toutes les périodes sont problématiques. Autant les saisons pluviales, car on a des infiltrations d’eau, que les saisons estivales, à cause des bêtes du jardin qui viennent jusque dans la maison.«
On recense près de 2 000 sinistres de ce type, rien que dans le département de la Sarthe et selon les estimations plus basses. Mais les indemnisations se font rares, car peu de communes sont reconnues en état de catastrophe naturelle.
Ne plus devoir prouver la catastrophe
Une proposition de loi écologiste prévoit d’en simplifier la mise en œuvre, mais aussi d’inverser la charge de la preuve. « Ce n’est pas à l’assuré de prouver qu’il est victime d’une catastrophe naturelle, d’une sécheresse. C’est à l’assureur de prouver le contraire et à financer ces études de sol qui coûtent quand même assez cher. C’est entre 3 000 et 5 000 euros, quand même ! » soutient Mohamed Benyahia, le président de l’association Urgence maisons fissurées 72.
Certains députés de la majorité jugent cette mesure dangereuse : ils craignent une explosion des primes d’assurances et des délais d’indemnisation. Pour les défenseurs du texte tels Elise Leboucher, députée (LFI) de la Sarthe, c’est à l’État de s’engager.
« C’est en effet une charge supplémentaire, mais c’est la responsabilité de l’État. Les sinistrés n’ont pas à payer les conséquences du dérèglement climatique, juge l’élue de gauche. Je rappelle que les assurances ont fait des records de bénéfices en 2022, donc il y a des moyens de financer ça. L’État doit prendre ses responsabilités«
En attendant le passage du texte au sénat, l’association Urgence maisons fissurées demande à tous les sinistrés et les maires de leur transmettre leurs refus d’indemnisation pour préparer la bataille judiciaire à venir.
Publié le 08/04/2023 07:05 Mis à jour le 08/04/2023 08:46
En France, 54% des maisons individuelles sont construites dans des zones d’exposition moyenne et forte au phénomène de retrait-gonflement argileux (RGA). (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO.FR)
Les débats à l’Assemblée nationale, jeudi, ont mis en lumière les failles d’un système assurantiel incapable de protéger tous les citoyens face aux effets de la sécheresse.
Des maisons qui bougent, craquent et se désossent, jusqu’à devenir parfois inhabitables, irréparables et invendables. « Ce n’est pas pour rien que nous nous appelons ‘Association urgence maisons fissurées’: le mot ‘urgence’ estimportant », insiste Mohamed Benyahia. Au lendemain de l’adoption par l’Assemblée nationale, jeudi 6 avril, d’une proposition de loi visant à mieux indemniser les propriétaires frappés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA), le président de l’antenne sarthoise d’un collectif de sinistrés victimes de cette calamité liée aux périodes de sécheresse se dit « très heureux qu’une étape importante [ait] été franchie. » « Maintenant, il faut que le texte soit vite discuté au Sénat, que les décrets d’application soient signés rapidement, que les choses se mettent en mouvement tout de suite ! »
En France, plus de la moitié (54%) des maisons individuelles sont situées en zone d’exposition moyenne ou forte au phénomène de RGA. Soit 10,5 millions de maisons sur un total de 19,4 millions, d’après les chiffres du ministère de la Transition écologique. Derrière ce sigle se cache un phénomène mécanique et géologique relativement simple. Les sols argileux sur lesquels les bâtisses touchées sont construites sont très sensibles à l’eau : ils se gonflent quand il pleut et se rétractent lors des périodes de sécheresse. L’alternance entre les périodes humides et sèches entraîne ainsi des mouvements successifs du sol qui fragilisent les fondations des maisons, finissent par les faire bouger, et provoquent des fissures visibles dans les constructions.
Le texte porté par la députée écologiste Sandrine Rousseau ambitionne de faciliter les procédures d’indemnisation pour des milliers de petits propriétaires qui luttent pour entreprendre des travaux indispensables pour continuer à vivre dans leur domicile. Mais le parcours du combattant et loin d’être terminé pour les sinistrés.
De plus en plus de sinistrés, de moins en moins de reconnaissance
Un pan de mur qui tient sur des étais, une faille qui serpente « en escalier » sur la façade. Ici, la faïence de la cuisine « a pété en une après-midi », là, une épaisse fissure traverse de long en large un salon chic et moderne, au-dessus de la télévision. « Ah moi, j’ai une déco un peu spéciale », plaisante une propriétaire. Un doux mardi soir d’avril dans une salle communale de Mézières-sur-Ponthouin (Sarthe), les sinistrés des communes alentour échangent photos, anecdotes et conseils. « Surtout, si vous découvrez une fissure, ne vous tournez pas vers votre assurance. Contactez immédiatement la mairie », martèle Mohamed Benyahia. C’est une particularité de ce sinistre : seuls les propriétaires de maisons fissurées qui résident sur une commune déclarée en état de catastrophe naturelle « sécheresse » peuvent prétendre à une indemnisation, via le régime de garantie « Cat-Nat ». Une reconnaissance refusée jusqu’alors à Mézières-sur-Ponthouin et à plusieurs de ses voisines.
Selon la Caisse centrale de réassurance, environ 4 000 maisons fissurées échappent à l’indemnisation chaque année, faute de correspondre aux critères. Une étude de l’association Mission risques naturels(document PDF), estime leur nombre total à 300 000. Pour Véronique Portier, sinistrée bien décidée à combattre « une vraie injustice », cela se traduit par un devis bloqué dans un classeur, faute de pouvoir débourser les 100 000 euros que coûterait le sauvetage de sa maison, construite au début des années 1990.
Si la proposition de loi adoptée jeudi achève sans encombre son parcours législatif, Véronique Portier et les onze autres sinistrés recensés par la mairie pourraient bien sortir de l’impasse : l’article 1er du texte prévoit de revoir les critères d’attribution de la garantie « Cat-Nat », ouvrant la voie au dédommagement des sinistrés victimes de ce que Sandrine Rousseau et la députée Renaissance Sandra Marsaud ont qualifié dans un rapport commun(document PDF) de « déni d’indemnisation ».
Pour Mohamed Benyahia, cette mesure seule pourrait venir à bout de « la source de tous nos problèmes« , à savoir une circulaire de 2019(document PDF) qui a fait évoluer les critères à remplir par les communes pour pouvoir être déclarées en état de catastrophe naturelle « sécheresse ». Le président de l’association des sinistrés du département, autrefois prof de maths, la démonte devant ses élèves d’un soir, à la craie, sur un tableau noir. Indicateurs, surfaces étudiées, dates retenues, probabilité de sinistres à venir… Il dézingue « des critères inadaptés ». « En tant que sinistré, on est tout le temps obligé de naviguer entre les entourloupes, de se pencher sur les chiffres… Comme si tout était fait pour exclure le maximum de gens », poursuit-il.
Les chiffres semblent lui donner raison. Si, sur la période 2011‑2021, environ 53% des communes ayant réclamé à l’Etat la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse ont obtenu gain de cause, ce taux de reconnaissance a dégringolé à 13,3% en 2021. Avant la publication de la circulaire de 2019 décriée par Mohamed Benyahia, il avait culminé à environ 69% en 2017 et 2018, d’après les chiffres obtenus par les Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud dans leur rapport.
D’où sa prudence : « la loi garantirait un certain nombre d’acquis, mais le gouvernement a la main sur le réglementaire et donc la possibilité de rédiger des formules ambiguës, avec plusieurs interprétations, encore au détriment des sinistrés », prévient-il. Au banc du gouvernement, le ministre chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a rappelé jeudi qu’une circulaire à venir permettrait « d’élargir de 20% le nombre » de victimes indemnisées. Pour Mohammed Benyahia, ce serait encore « très insuffisant pour répondre à la catastrophe inédite de l’été 2022 et des étés à venir ».
Un régime à l’épreuve du réchauffement climatique
Car le réchauffement climatique et ses conséquences mettent déjà le régime « Cat-Nat » à rude épreuve. Selon une étude de la fédération des assureurs, la sécheresse a coûté 16 milliards d’euros entre 1989 et 2021 et l’addition pourrait grimper à 43 milliards pour la période 2020-2050. Les dégâts aux bâtiments provoqués par les épisodes observés en France l’été dernier devraient coûter entre 1,6 et 2,4 milliards d’euros aux assureurs, classant 2022 en tête des années les plus coûteuses pour ce type d’événements, devant 2003 et ses 2,12 milliards d’euros pompés par la sécheresse. « Et qui sait ce que réserve l’année 2023, alors qu’on sort d’une sécheresse hivernale qui bat tous les records ? », s’interroge Mohamed Benyahia.
Moins spectaculaire que les inondations qui dévastent des villes entières ou les tempêtes qui emportent les toitures, le RGA impose de repenser au plus vite le fonctionnement du régime de catastrophe naturelle. « Malgré la mauvaise prise en charge des sinistres, à la fois quantitativement et qualitativement, les dépenses liées à la sécheresse sont en forte augmentation depuis 2016. Les ressources du régime ‘Cat-Nat’ ne permettent plus de faire face à la hausse de la sinistralité, ce qui pourrait aboutir à une intervention récurrente de l’Etat qui marquerait l’échec du régime ‘Cat-Nat' », écrivent les députées Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud dans leur rapport.
Un autre rapport(document PDF), signé de la sénatrice Les Républicains Christine Lavarde, analyse des pistes de réformes, avant de conclure : « Je dois reconnaître ma frustration, car je n’ai pastrouvé de solution optimale pour garantir la soutenabilité dans la durée du régime ‘Cat-Nat’. » Quant au gouvernement, représenté jeudi dans l’hémicycle par Jean-Noël Barrot, il reconnaît un régime « perfectible ». « Deux décrets d’application en Conseil d’Etat sont en ce moment en préparation » pour améliorer la situation, a assuré le ministre.
L’arbre qui cache la forêt
Mohamed Benyahia a fait construire sa maison en 2005. « En 2019, l’expert m’a dit qu’il fallait que je déménage, que je quitte les lieux », confie-t-il. S’il ne souhaite pas s’étendre sur son cas personnel, il illustre malgré lui l’absence de solution apportée à ces premières vagues de sinistrés du RGA. En se promenant dans les coquettes rues de Mézières-sur-Ponthoin, Véronique Portier ne quitte pas les façades des yeux. « Celle-ci n’était pas là la dernière fois », s’exclame-t-elle, en sortant son téléphone, « pour documenter l’évolution des fissures ». Cet autre bâtiment, strié des fenêtres au toit, comme autour de la porte d’entrée, « a été refait il y a 7 ans », poursuit-elle. Même le bureau de poste, la boulangerie et le bar tabac y passent.
En face de chez elle, elle scrute avec angoisse la construction d’un petit lotissement. En vertu de la loi Elan, adoptée en 2018, un diagnostic des sols a été réalisé avant le début du chantier et les fondations renforcées par cinq rangées de parpaings. Si les futurs occupants peuvent espérer échapper au sort de leur voisine, personne ne semble tout à fait prêt à affronter les difficultés qui s’annoncent avec l’explosion des cas de maisons RGA, regrette la géographe Magali Reghezza, spécialiste de l’adaptation au changement climatique. « La question de l’indemnisation, c’est un peu le premier problème qui apparaît, l’arbre qui cache la forêt », relève-t-elle. Par la défaillance du système aujourd’hui dénoncé par les victimes, le sujet questionne la résilience de l’Etat face à des sinistres d’une ampleur telle qu’ils ne peuvent être supportés par les acteurs privés de l’assurance, à moins d’exclure encore davantage les plus vulnérables, explique la géographe, membre du Haut Conseil pour le climat.
« Derrière cette question du RGA, ce sont despertes énormes pour des gens et donc le risque d’une paupérisation de tout un pan de la société, sans compter les risques psychologiques associés qui vont aussi peser sur les finances publiques », poursuit l’experte. Car les problématiques soulevées par ces sinistres sont immenses : relogement, destruction des maisons inhabitables, dépollution des sites, recyclage des matériaux, déplacement des populations, des activités… Tout cela, sans compter les impacts du RGA sur les communes quand les routes, les bâtiments publics, les canalisations et les lignes de trains seront touchés à leur tour. « C’est vertigineux en réalité », concède Magali Reghezza. Les réponses des pouvoirs publics, « toujours dans une logique réactive », ne sont pas « dimensionnées à la crise », poursuit-elle. Les sinistrés le diront tous : une petite fissure peut présager d’un grand vacarme.
Mesdames et Messieurs les députés de la république,
La courbe de la sécheresse qui est exponentielle depuis 2018 a atteint son apogée en 2022 pour exploser tous les records. La sécheresse hivernale que nous vivons, actuellement, laisse présager le pire pour l’été 2023.
La sécheresse de 2022 était particulièrement dévastatrice, pour les maisons construites sur un sol argileux. Les fissures déjà présentes se sont aggravées et des bâtiments sont menacés de péril. De nombreuses maisons, jusque-là, épargnées se sont fissurées.
Les victimes des maisons fissurées par la sécheresse, sont abandonnées, livrées à elles-mêmes et en proie aux vautours.
Les victimes des maisons fissurées par la sécheresse méritent la même attention et la même assistance que les victimes des autres catastrophes naturelles comme les inondations et les coulées de boue.
La lenteur de la procédure de reconnaissance ne prend pas en compte le caractère progressif du RGA. L’arrêté publié le 16 février 2023, traite des demandes déposées en 2020 !
Aussi, nous demandons le déclenchement de la procédure accélérée de reconnaissance pour 2022 car rien ne justifie d’attendre des mois et des années pour cette reconnaissance. Cela permet de limiter les risques et de réduire les coûts.
Il est urgent qu’un plan de protection civile et qu’un service public spécifique soient mis en place, pour :
l’assistance sanitaire et sociale des sinistrés,
la sauvegarde des bâtis,
la formation des maires,
et toutes les autres mesures nécessaires
Dans ces conditions, le comité d’évaluation et de contrôle de la prise en compte du RGA, présidé par Mesdames Sandra Marsaud et Sandrine Rousseau a publié un remarquable rapport.
Madame Rousseau a déposé une Proposition de loi n°887, qui reprend certaines propositions du comité d’évaluation, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe EELV.
Une autre PPL a été déposée par M. Pierrick Berteloot, visant à mieux indemniser les propriétaires de maisons fissurées par des épisodes de sécheresse au titre de catastrophes naturelles. Par ailleurs une soixantaine d’amendements ont été déposés.
La coordination nationale des associations de sinistrés du RGA :
remercie les députés mobilisés pour leur engagement
appelle tous les groupes parlementaires à fusionner ces propositions de loi, et particulièrement la majorité présidentielle, pour la transformer en projet de loi, afin de la compléter par les autres propositions du comité d’évaluation, les propositions des députés et celles des associations de sinistrés.
La loi de 2021 n’a traité le sujet que superficiellement. Nous demandons une loi pragmatique et complète à la hauteur de la gravité de la situation relayée par une importante couverture médiatique.
Nous appelons les députés à s’unir autour de cette cause nationale, écologique, économique et sociale. Actuellement, 10.3 millions d’habitations sont exposées aux fissures, provoquées par la sécheresse et l’absence de normes de construction datant d’avant la loi Elan (étude de sol obligatoire depuis du 1er janvier 2020).
La coordination nationale saisit cette occasion pour alerter sur l’importance de se doter d’un cadre légal et réglementaire robuste pour s’adapter aux sécheresses à venir.
Les propositions présentées le 21 mars 2023, par Mesdames Sandra Marsaud et Sandrine Rousseau, présidentes du comité, lors de la présentation du rapport, reposent pour l’essentiel sur :
1- La réforme de l’arrêté Cat Nat par :
a) L’établissement du lien de causalité entre l’évènement et le sinistre. Charge à l’expert de montrer l’inverse.
b) La simplification et l’assouplissement des critères :
La réduction de la durée de retour de 25 à 10 ans.
L’extension dans l’espace, par la reconnaissance des communes voisines des communes reconnues.
L’extension dans le temps, en considérant l’aggravation de fissures comme un évènement nouveau pour permettre l’indemnisation des sinistrés ayant fait une déclaration avant la période de reconnaissance.
2- L’amélioration de la qualité des travaux de réparation par :
Prendre en charge des fissures structurelles dès leur apparition
Privilégier l’étude de sol spécifique aux RGA et les travaux de reprise en sous-œuvre.
Créer un agrément pour le métier d’expert
Financer les mesures de prévention
2-Indemnisation en valeur à neuf au lieu de la valeur vénale.
Pour le financement, les coûts sont estimés :
3,3 milliards d’euros pour indemniser les sinistrés actuels, en priorité les fissurations les plus graves et les foyers modestes
Et 800 millions euros récurrents pour les indemnisations futures.
Seraient financés par :
La mise en place d’une surprime de 20 Euros par assuré par an
La mise en place d’un fond
La réduction des dépenses en excluant :
a) Les cas relevant de non-respect des normes de la loi Elan
b) Les dépendances non habitables
Globalement, ces propositions prennent en compte une bonne partie des attentes des sinistrés.
La PPL déposée par le groupe EELV dans le cadre de sa niche parlementaire, ne couvre malheureusement, qu’en partie, les propositions du comité d’évaluation.
Il serait salutaire que tous les groupes politiques s’associent à cette PPL pour lui permettre d’être débattue et complétée afin d’aboutir à l’adoption d’une loi nécessaire, efficace et urgente.
Votre soutien est réellement primordial car, avant même la présentation de la PPL N°887 (planifiée le 06/04/2023), certains amendement ont été rejetés ou retirés lors des discussions préalables alors qu’ils constituent des éléments clés réclamés à juste titre par les sinistrés : CF15 durée de retour ramenée à 15 au lieu de 25 ; CF22 abrogation de l’ordonnance 2023-78 du 08/02/2023 ; CF55 analyse de l’indice SWI sur 1 année au lieu de 3 mois ; CF31 et CF33 prise en charge financière de la contre-expertise par l’assureur. Sans, à minima, l’intégration de ces amendements nous avons la certitude que ce projet de Loi sera vide de substance et générateur d’une immense déception pour les sinistrés d’aujourd’hui et de demain !
Nous comptons sur votre solidarité et votre engagement.
Tous présents, le 6 avril 2023, pour nos maisons fissurées.
Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les députés, l’expression de nos salutations respectueuses.
Comme à Mézières, beaucoup de maisons se fissurent en Sarthe, certaines même sont menacées. | ARCHIVES LE MAINE LIBRE
Une réunion publique d’information est proposée mardi prochain, 4 avril, à 20 h, à la salle des associations de Mézières-sur-Ponthouin.
Initiée par Véronique Portier, référente de l’Association Urgence Maisons Fissurées 72 (AUMF), avec l’accord de la mairie, cette réunion a pour objectif « de répondre aux questions des Macériens sur ce très grand problème qui se pose avec nos maisons fissurées sur la commune » explique Véronique Portier. Mohamed Benyahia, président de l’AUMF 72, sera présent.
Les habitants des communes alentour peuvent également participer à cette réunion.
« Plus de dix millions de maisons individuelles, construites sur des sols argileux, soit une maison sur deux, sont menacées par la sécheresse en France« .
Un phénomène d’ampleur qui ne risque pas de s’arranger avec le réchauffement climatique.