Maisons fissurées à cause de la sécheresse : une proposition de loi pour faciliter l’indemnisation

Le Télégramme

Article publié le 16 Mai 2023

Sylvie et Jean-Luc Chisson sont inquiets en voyant les murs de leur maison se fissurer à cause de la sécheresse. (Jean-François Monier/AFP)

« On ne peut que regarder la maison s’écrouler ! » Depuis l’été 2020, Sylvie et Jean-Luc Chisson voient, impuissants, leurs murs se fissurer… Ce phénomène, causé par les sécheresses à répétition, menace des millions de maisons en France. Une proposition de loi vise à faciliter l’indemnisation.

Construite sur une terre argileuse, la maison de Sylvie et Jean-Luc Chisson subit les mouvements du sol, qui gonfle avec l’humidité et se tasse en période de sécheresse.

En 2003, année d’une canicule mémorable, les premières fissures étaient apparues. Leur commune, Coulaines (Sarthe), à côté du Mans, avait été classée en état de catastrophe naturelle et l’assurance avait payé pour refaire les murs abîmés.

Mais à l’été 2020, des fissures « en escalier », les plus sérieuses, sont à nouveau apparues sur un mur de la maison. Puis sur un deuxième en 2022.

« Quand on a vu le mur comme ça… ça fait peur », confie Jean-Luc Chisson, ancien chauffeur-livreur âgé de 62 ans.

Président de l’association Urgence Maisons fissurées Sarthe, qui revendique 400 adhérents, Mohamed Benyahia voit sa maison, dans la commune voisine de Neuville-sur-Sarthe, traversée depuis 2018 par une impressionnante lézarde, que des travaux curatifs n’ont pas résorbée.

« Depuis septembre 2018, je ne vis plus de la même façon. Plus d’activités personnelles, plus de loisirs… », confie cet ingénieur en informatique de 62 ans. « Même l’envie de faire un barbeuc, je ne l’ai plus ».

Des victimes qui n’arrivent pas à se faire indemniser

Comme eux, des millions de Français sont vulnérables au risque dit de « retrait-gonflement des argiles ». Appelé à s’aggraver avec le réchauffement climatique, qui accentue la fréquence et l’intensité des sécheresses, il menace surtout les maisons individuelles, aux fondations peu profondes. Plus de dix millions, soit une sur deux, sont construites sur un sol classé à risque moyen ou fort.

Une situation qui pose un problème économique majeur : qui paie les coûteux travaux de réparation et de prévention ? En France, le risque est couvert par le régime d’assurance des catastrophes naturelles. Mais beaucoup de victimes ne parviennent pas à se faire indemniser.

Notre dossier sur la sécheresse : quelles solutions à long terme ?

À Coulaines, une quarantaine de maisons se sont fissurées suite à l’été caniculaire 2022. Mais faute d’un arrêté ministériel de catastrophe naturelle incluant leur commune, personne n’a pu être indemnisé.

« On ne peut que regarder la maison s’écrouler ! », grince Sylvie Chisson. En 2020, elle n’a eu droit à rien non plus, pour les mêmes raisons.

« Ce qu’on ne comprend pas, ce sont les différences de traitement d’une commune à l’autre », déplore le maire (PS) de Coulaines, Christophe Rouillon. « Qu’est-ce qui fait qu’une commune à 10 kilomètres est retenue alors qu’une autre ne l’est pas ? Avec des terres qui sont les mêmes, les températures qui sont les mêmes… »

Une proposition de loi portée par Sandrine Rousseau

C’est à ce défaut qu’entend s’attaquer une proposition de loi portée par l’écologiste Sandrine Rousseau, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. « C’est une loi qui prend à bras-le-corps la protection dans le réchauffement climatique. Parce que là, une maison sur deux est menacée, ce qui signifie que si vous laissez faire, ni les assureurs ni l’État ne seront en capacité de gérer. Et donc il faut modifier les choses pour que l’État puisse anticiper », explique la députée.

Le texte prévoit de faciliter la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans les communes touchées. Et là où il a été reconnu, il rend plus difficile pour les assureurs de refuser des indemnisations.

Le coût des sinistres qui pourrait tripler, selon France Assureurs

« C’est vraiment un changement de rapport de force des assurés par rapport aux assureurs. Souvent, les assureurs essaient de montrer que ce n’est pas le retrait-gonflement des argiles la cause principale des désordres, ce qui laisse les propriétaires dans leur grande difficulté », justifie-t-elle.

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Cette dernière mesure suscite l’opposition des assureurs, qui estiment qu’elle leur coûterait environ 1 milliard d’euros supplémentaire chaque année.

« Une telle décision aurait un impact financier très, très important sur l’équilibre financier du régime, qui est déjà déficitaire depuis plusieurs années », avance la présidente de France Assureurs, Florence Lustman.

Selon cette fédération, sur la période 2020-2050 et à réglementation constante, le coût des sinistres liés au retrait-gonflement des argiles devrait tripler par rapport aux trente années précédentes, et passer de 13,8 à 43 milliards d’euros.

Sécheresse : les propriétaires de maisons fissurées, symboles malgré eux d’un système d’assurance submergé par le changement climatique

Marie-Adélaïde Scigacz France Télévisions

Publié le 08/04/2023 07:05 Mis à jour le 08/04/2023 08:46

En France, 54% des maisons individuelles sont construites dans des zones d’exposition moyenne et forte au phénomène de retrait-gonflement argileux (RGA). (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO.FR)
Les débats à l’Assemblée nationale, jeudi, ont mis en lumière les failles d’un système assurantiel incapable de protéger tous les citoyens face aux effets de la sécheresse.

Des maisons qui bougent, craquent et se désossent, jusqu’à devenir parfois inhabitables, irréparables et invendables. « Ce n’est pas pour rien que nous nous appelons ‘Association urgence maisons fissurées’: le mot ‘urgence’ estimportant », insiste Mohamed Benyahia. Au lendemain de l’adoption par l’Assemblée nationale, jeudi 6 avril, d’une proposition de loi visant à mieux indemniser les propriétaires frappés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA), le président de l’antenne sarthoise d’un collectif de sinistrés victimes de cette calamité liée aux périodes de sécheresse se dit « très heureux qu’une étape importante [ait] été franchie. » « Maintenant, il faut que le texte soit vite discuté au Sénat, que les décrets d’application soient signés rapidement, que les choses se mettent en mouvement tout de suite ! »

En France, plus de la moitié (54%) des maisons individuelles sont situées en zone d’exposition moyenne ou forte au phénomène de RGA. Soit 10,5 millions de maisons sur un total de 19,4 millions, d’après les chiffres du ministère de la Transition écologique. Derrière ce sigle se cache un phénomène mécanique et géologique relativement simple. Les sols argileux sur lesquels les bâtisses touchées sont construites sont très sensibles à l’eau : ils se gonflent quand il pleut et se rétractent lors des périodes de sécheresse. L’alternance entre les périodes humides et sèches entraîne ainsi des mouvements successifs du sol qui fragilisent les fondations des maisons, finissent par les faire bouger, et provoquent des fissures visibles dans les constructions.

Le texte porté par la députée écologiste Sandrine Rousseau ambitionne de faciliter les procédures d’indemnisation pour des milliers de petits propriétaires qui luttent pour entreprendre des travaux indispensables pour continuer à vivre dans leur domicile. Mais le parcours du combattant et loin d’être terminé pour les sinistrés.

De plus en plus de sinistrés, de moins en moins de reconnaissance

Un pan de mur qui tient sur des étais, une faille qui serpente « en escalier » sur la façade. Ici, la faïence de la cuisine « a pété en une après-midi », là, une épaisse fissure traverse de long en large un salon chic et moderne, au-dessus de la télévision. « Ah moi, j’ai une déco un peu spéciale », plaisante une propriétaire. Un doux mardi soir d’avril dans une salle communale de Mézières-sur-Ponthouin (Sarthe), les sinistrés des communes alentour échangent photos, anecdotes et conseils. « Surtout, si vous découvrez une fissure, ne vous tournez pas vers votre assurance. Contactez immédiatement la mairie », martèle Mohamed Benyahia. C’est une particularité de ce sinistre : seuls les propriétaires de maisons fissurées qui résident sur une commune déclarée en état de catastrophe naturelle « sécheresse » peuvent prétendre à une indemnisation, via le régime de garantie « Cat-Nat ». Une reconnaissance refusée jusqu’alors à Mézières-sur-Ponthouin et à plusieurs de ses voisines.

Selon la Caisse centrale de réassurance, environ 4 000 maisons fissurées échappent à l’indemnisation chaque année, faute de correspondre aux critères. Une étude de l’association Mission risques naturels (document PDF), estime leur nombre total à 300 000. Pour Véronique Portier, sinistrée bien décidée à combattre « une vraie injustice », cela se traduit par un devis bloqué dans un classeur, faute de pouvoir débourser les 100 000 euros que coûterait le sauvetage de sa maison, construite au début des années 1990.

Si la proposition de loi adoptée jeudi achève sans encombre son parcours législatif, Véronique Portier et les onze autres sinistrés recensés par la mairie pourraient bien sortir de l’impasse : l’article 1er du texte prévoit de revoir les critères d’attribution de la garantie « Cat-Nat », ouvrant la voie au dédommagement des sinistrés victimes de ce que Sandrine Rousseau et la députée Renaissance Sandra Marsaud ont qualifié dans un rapport commun (document PDF) de « déni d’indemnisation ».

Pour Mohamed Benyahia, cette mesure seule pourrait venir à bout de « la source de tous nos problèmes« , à savoir une circulaire de 2019 (document PDF) qui a fait évoluer les critères à remplir par les communes pour pouvoir être déclarées en état de catastrophe naturelle « sécheresse ». Le président de l’association des sinistrés du département, autrefois prof de maths, la démonte devant ses élèves d’un soir, à la craie, sur un tableau noir. Indicateurs, surfaces étudiées, dates retenues, probabilité de sinistres à venir… Il dézingue « des critères inadaptés ». « En tant que sinistré, on est tout le temps obligé de naviguer entre les entourloupes, de se pencher sur les chiffres… Comme si tout était fait pour exclure le maximum de gens », poursuit-il.

Les chiffres semblent lui donner raison. Si, sur la période 2011‑2021, environ 53% des communes ayant réclamé à l’Etat la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse ont obtenu gain de cause, ce taux de reconnaissance a dégringolé à 13,3% en 2021. Avant la publication de la circulaire de 2019 décriée par Mohamed Benyahia, il avait culminé à environ 69% en 2017 et 2018, d’après les chiffres obtenus par les Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud dans leur rapport.

D’où sa prudence : « la loi garantirait un certain nombre d’acquis, mais le gouvernement a la main sur le réglementaire et donc la possibilité de rédiger des formules ambiguës, avec plusieurs interprétations, encore au détriment des sinistrés », prévient-il. Au banc du gouvernement, le ministre chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a rappelé jeudi qu’une circulaire à venir permettrait « d’élargir de 20% le nombre » de victimes indemnisées. Pour Mohammed Benyahia, ce serait encore « très insuffisant pour répondre à la catastrophe inédite de l’été 2022 et des étés à venir ».

Un régime à l’épreuve du réchauffement climatique

Car le réchauffement climatique et ses conséquences mettent déjà le régime « Cat-Nat » à rude épreuve. Selon une étude de la fédération des assureurs, la sécheresse a coûté 16 milliards d’euros entre 1989 et 2021 et l’addition pourrait grimper à 43 milliards pour la période 2020-2050. Les dégâts aux bâtiments provoqués par les épisodes observés en France l’été dernier devraient coûter entre 1,6 et 2,4 milliards d’euros aux assureurs, classant 2022 en tête des années les plus coûteuses pour ce type d’événements, devant 2003 et ses 2,12 milliards d’euros pompés par la sécheresse. « Et qui sait ce que réserve l’année 2023, alors qu’on sort d’une sécheresse hivernale qui bat tous les records ? », s’interroge Mohamed Benyahia.

Moins spectaculaire que les inondations qui dévastent des villes entières ou les tempêtes qui emportent les toitures, le RGA impose de repenser au plus vite le fonctionnement du régime de catastrophe naturelle. « Malgré la mauvaise prise en charge des sinistres, à la fois quantitativement et qualitativement, les dépenses liées à la sécheresse sont en forte augmentation depuis 2016. Les ressources du régime ‘Cat-Nat’ ne permettent plus de faire face à la hausse de la sinistralité, ce qui pourrait aboutir à une intervention récurrente de l’Etat qui marquerait l’échec du régime ‘Cat-Nat' », écrivent les députées Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud dans leur rapport.

Un autre rapport (document PDF), signé de la sénatrice Les Républicains Christine Lavarde, analyse des pistes de réformes, avant de conclure : « Je dois reconnaître ma frustration, car je n’ai pas trouvé de solution optimale pour garantir la soutenabilité dans la durée du régime ‘Cat-Nat’. » Quant au gouvernement, représenté jeudi dans l’hémicycle par Jean-Noël Barrot, il reconnaît un régime « perfectible ». « Deux décrets d’application en Conseil d’Etat sont en ce moment en préparation » pour améliorer la situation, a assuré le ministre.

L’arbre qui cache la forêt

Mohamed Benyahia a fait construire sa maison en 2005. « En 2019, l’expert m’a dit qu’il fallait que je déménage, que je quitte les lieux », confie-t-il. S’il ne souhaite pas s’étendre sur son cas personnel, il illustre malgré lui l’absence de solution apportée à ces premières vagues de sinistrés du RGA. En se promenant dans les coquettes rues de Mézières-sur-Ponthoin, Véronique Portier ne quitte pas les façades des yeux. « Celle-ci n’était pas là la dernière fois », s’exclame-t-elle, en sortant son téléphone, « pour documenter l’évolution des fissures ». Cet autre bâtiment, strié des fenêtres au toit, comme autour de la porte d’entrée, « a été refait il y a 7 ans », poursuit-elle. Même le bureau de poste, la boulangerie et le bar tabac y passent.

En face de chez elle, elle scrute avec angoisse la construction d’un petit lotissement. En vertu de la loi Elan, adoptée en 2018, un diagnostic des sols a été réalisé avant le début du chantier et les fondations renforcées par cinq rangées de parpaings. Si les futurs occupants peuvent espérer échapper au sort de leur voisine, personne ne semble tout à fait prêt à affronter les difficultés qui s’annoncent avec l’explosion des cas de maisons RGA, regrette la géographe Magali Reghezza, spécialiste de l’adaptation au changement climatique. « La question de l’indemnisation, c’est un peu le premier problème qui apparaît, l’arbre qui cache la forêt », relève-t-elle. Par la défaillance du système aujourd’hui dénoncé par les victimes, le sujet questionne la résilience de l’Etat face à des sinistres d’une ampleur telle qu’ils ne peuvent être supportés par les acteurs privés de l’assurance, à moins d’exclure encore davantage les plus vulnérables, explique la géographe, membre du Haut Conseil pour le climat.

« Derrière cette question du RGA, ce sont des pertes énormes pour des gens et donc le risque d’une paupérisation de tout un pan de la société, sans compter les risques psychologiques associés qui vont aussi peser sur les finances publiques », poursuit l’experte. Car les problématiques soulevées par ces sinistres sont immenses : relogement, destruction des maisons inhabitables, dépollution des sites, recyclage des matériaux, déplacement des populations, des activités… Tout cela, sans compter les impacts du RGA sur les communes quand les routes, les bâtiments publics, les canalisations et les lignes de trains seront touchés à leur tour. « C’est vertigineux en réalité », concède Magali Reghezza. Les réponses des pouvoirs publics, « toujours dans une logique réactive », ne sont pas « dimensionnées à la crise », poursuit-elle. Les sinistrés le diront tous : une petite fissure peut présager d’un grand vacarme.

Maisons fissurées : comment se faire indemniser ?

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Fissures, photo d'illustration
Fissures, photo d’illustration
Crédit: Pixabay

16 septembre 2022 à 6h00 par Hugo Harnois

Vous avez peut-être aperçu des fissures sur les murs de votre maison. Celles-ci pourraient être liées à la sécheresse de ces derniers mois. Plus de 10 millions de maisons seraient exposées en France, d’après le ministère de l’Écologie.

La sécheresse a impacté les agriculteurs, les producteurs mais aussi de nombreux propriétaires ayant leurs maisons construites sur un terrain argileux. « Quand il pleut, l’argile gonfle et lorsqu’il fait sec, l’argile se dessèche. Et en se rétractant, il libère de l’espace dans lequel s’engouffrent les fondations, s’il y en a », explique Mohamed Benyahia, président de l’association Urgences maisons fissurées Sarthe.

Depuis 2020, la loi ELAN rend obligatoire la réalisation d‘études de sol avant la construction de maisons individuelles dans des zones argileuses. « C’est mieux encadré », poursuit Mohamed Benyahia, qui assure que si la loi avait été instaurée avant : « on aurait pu éviter beaucoup de dégâts sur des maisons construites ces dernières décennies. »

Parcours du combattant

Cependant, si vous constatez des fissures sur votre maison et que vous pensez que ces dernières sont liées au phénomène de sécheresse, il faut se rendre à votre mairie et demander la reconnaissance d’état de catastrophe naturelle. Mais trop peu de communes sont reconnues comme tel, déplore le président de l’association. Selon lui, « cette reconnaissance est prononcée par la commission interministérielle, mais on ne sait pas qui y siège, quelles sont les modalités, etc… »

Une fois l’état de catastrophe naturelle reconnu dans votre commune, il faut faire la déclaration à son assurance dans les 10 jours qui suivent maximum. Mais malheureusement, les assurances ne jouent pas toujours le jeu, regrette Mohamed Benyahia : « si on est dans les clous, certaines compagnies d’assurance mandatent des cabinets d’experts, qui viennent sur place avec l’objectif de dire que ce n’est pas de la sécheresse. »

C’est pourquoi l’association conseille de s’entourer d’un expert en bâtiment pour éviter les mauvaises surprises. « Nous ce qu’on veut, c’est que tous les sinistrés demandent à leur compagnie d’assurance de faire une étude de sol. C’est le seul moyen aujourd’hui de déterminer de manière précise, scientifique et indiscutable si l’origine du désordre provient de la sécheresse, ou non », commente le président de Urgences maisons fissurées Sarthe.

Dans la Sarthe, l’association lance actuellement une campagne pour demander à tous les maires où il y a des habitants qui ont des fissures de faire une demande de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle pour l’année 2022. Dans le département, plus de 600 maisons fissurées seraient concernées.

Maisons fissurées : avec la sécheresse et la canicule, des habitations de plus en plus fragilisées

Des maisons fissurées à cause de la sécheresse : c’est le calvaire auquel sont confrontés de plus en plus d’habitants, face au manque d’eau et aux canicules à répétition.

De nombreuses communes de la Sarthe sont concernées par le phénomène des maisons fissurées.
De nombreuses communes de la Sarthe sont concernées par le phénomène des maisons fissurées. (©Frédéric Jouvet)

Par Johann Foucault Publié le 21 Août 22 à 18:42

Le manque d’eau dû à la sécheresse et les vagues de fortes chaleurs n’ont pas qu’un impact sur l’environnement et les organismes vivants. Les habitations, elles-aussi, souffrent des fortes températures.

Pour preuve, les fissures qui apparaissent dans les murs de plus en plus de maisons depuis les épisodes de sécheresse des dernières années. Une situation dramatique pour les propriétaires qui peinent à se faire indemniser par les assurances.

Pourtant, le phénomène est loin d’être isolé. Plus de dix millions d’habitations pourraient être concernées en France.

Des capteurs sont placés sur les fissures pour mesurer leur progression.
En Vendée, des capteurs sont placés sur les fissures de cette maison pour mesurer leur progression. (©JDS)

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Les « premières victimes » de la canicule et de la sécheresse

« Nous sommes les premières victimes de la sécheresse. Les maisons fissurées sont moins médiatiques que des tornades, les inondations ou le feu, mais on a aussi besoin d’être assistés et aidés », déclarait en juin 2022 à notre rédaction Les Nouvelles de Sablé Mohamed Benyahia, président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe.

Depuis 2018, la sécheresse que connaît le département de la Sarthe a provoqué des fissures dans au moins 200 habitations, dont celle de Mohamed, qui menace de s’effondrer. Il raconte à actu.fr

Ça a commencé avec une fissure, en septembre 2018. Malgré la pose d’étais, la maison aujourd’hui est un danger. On l’entend craquer, je n’arrive plus à dormir, et c’est de pire en pire car c’est toute la structure qui est endommagée.

Mohamed Benyahia
Président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe
Mohamed Benyahia, président d’Urgence maisons fissurées Sarthe
Mohamed Benyahia, président d’Urgence maisons fissurées Sarthe, devant sa maison fissurée en raison de la sécheresse. (photo ©Mohamed Benyahia)

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Pourquoi les maisons se fissurent ? 

Principale cause de l’apparition de ce genre de fissures : le réchauffement climatique et ses conséquences au niveau des sols argileux, qui « possèdent la propriété de voir leur consistance se modifier en fonction de leur teneur en eau », explique Géorisques, le portail gouvernemental spécialisé dans les risques.

C’est le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux : « En contexte humide, un sol argileux se présente comme souple et malléable, tandis que ce même sol desséché sera dur et cassant », précise le site.

Ainsi, lorsque la teneur en eau augmente dans un sol argileux, on assiste à une augmentation du volume de ce sol, on parle alors de « gonflement des argiles ». Au contraire, une baisse de la teneur en eau provoquera un phénomène inverse de rétractation ou « retrait des argiles »

Portail Géorisques
Les fissures rendent la cheminée inutilisable chez Cécile. C'est son seul moyen de chauffage.
Les fissures rendent la cheminée inutilisable chez Cécile. C’est son seul moyen de chauffage. (©Julie Hurisse)

Plus de 10 millions d’habitations concernées

Selon le ministère de l’Écologie, 10,4 millions de maisons individuelles sont « potentiellement très exposées » à ce risque de retrait-gonflement des argiles.

« Amplifiés par les épisodes de sécheresse », ces mouvements de sol « constituent un risque majeur en raison des dégâts matériels qu’ils provoquent », affirmait en 2021 le ministère de l’Ecologie, lors de la mise à jour de la carte de France des zones à risque. Et ce nombre pourrait continuer à augmenter en raison du réchauffement climatique et du risque de canicules et de sécheresse à répétition.

Part des maisons individuelles construites après 1976 exposées au retrait-gonflement d'argiles.
Part des maisons individuelles construites après 1976 exposées au retrait-gonflement d’argiles. (© SDES, 2021.)

Vous pouvez également trouver les informations sur le niveau d’exposition à ce risque de votre parcelle sur la carte interactive de Géorisques, accessible ici. Dans ce tuto, le site explique comment trouver les informations.

C’est le cas dans le sud-Sarthe par exemple, dans la commune de Saint-Georges-de-la-Couée. Là-bas, une « veine argileuse » qui s’étend sur le territoire provoque des fissures dans les maisons avec la sécheresse, expliquait le maire Sylvain Bidier, en 2021, à notre rédaction du Petit Courrier.

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« Avec les sécheresses qui s’accentuent ces dernières années en raison du réchauffement climatique, on observe à certains endroits une déformation des fenêtres et des huisseries, des fissures, un impact sur le sol des maisons qui tend à s’affaisser », expliquait l’élu.

Et cette année, la sécheresse historique risque de ne rien arranger, au contraire.

Une fissure  dans une maison causée par la sécheresse.
Une fissure dans une maison causée par la sécheresse. (©La Marne – Illustration)

Se faire indemniser, un parcours du combattant

Que ce soit dans la Sarthe, en Vendée, en Seine-et-Marne, dans le Nord ou près de Toulouse, les propriétaires de maisons fissurées dressent tous le même constat : bon courage pour se faire indemniser, et dans la plupart des cas, il faut engager un véritable bras de fer.

Déjà, avant que les assurances ne rentrent en jeu en vue d’une éventuelle indemnisation, il faut que la commune soit reconnue en état de catastrophe naturelle.

Pour cela, il faut que la commune saisisse la préfecture, qui doit elle-même saisir le ministère de l’Intérieur, détaille notre rédaction Le Journal des Sables, aux Sables d’Olonne (Vendée), où des habitations sont touchées. Puis, écrivait-elle début août, si un décret ministériel inscrit au Journal officiel déclare l’état de catastrophe naturelle, le sinistré, une fois averti du décret, dispose alors de 10 jours pour avertir son assurance de la déclaration de sinistre.

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En moyenne, « la procédure de reconnaissance prend dix mois », selon le calcul de Mohamed Benyahia. Commence ainsi, bien souvent, une bataille avec les assurances, comme l’expliquait début août, à notre rédaction La Marne, l’association Les Oubliés de la canicule, où de nombreuses habitations sont confrontées au phénomène en Seine-et-Marne.

L’obtention de ce décret de catastrophe naturelle pour un territoire ne constitue pas une fin en soi et ne garantit pas que les assurances acceptent d’indemniser les sinistrés à hauteur de leurs dommages et de la remise de leur bien en l’état, de manière pérenne, tel qu’il se trouvait avant ce phénomène de catastrophe naturelle reconnu. Même une fois reconnu en catastrophe naturelle, il est très difficile d’être indemnisé, ce n’est pas automatique et 90 % des sinistrés se battent des années.

Association Les oubliés de la canicule

Repenser la procédure

En attendant, la situation évidemment se détériore dans les habitations touchées, faute de réparations engagées. Avec la crainte pour les sinistrés, qu’un jour, leur maison ne leur tombe sur la tête. Face à cette situation, Mohamed Benyahia dénonce une opacité autour de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Selon l’arrêté du 26 juillet 2022 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, une vingtaine de communes seulement ont été reconnues pour cette raison de « mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Près de 120 ont été recalées.

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Mohamed Benyahia fustige des critères pas pertinents et pas adaptés à la situation de ces dernières années, associés à un manque de transparence dans la prise de décision de la commission interministérielle. Le sinistré milite pour un changement méthode.

Il faudrait qu’à chaque apparition d’une fissure, une étude des sols soit réalisée et reconnue par les assurances. Ce serait le moyen le plus simple et le plus rapide de déterminer si cette fissure est due à la sécheresse.

Mohamed Benyahia
Président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe.

Une façon de parer à l’urgence de la situation, alors que de 2020 à 2050, la facture des indemnisations dues à la sécheresse est estimée à 43 milliards d’euros selon la Fédération française de l’assurance. Sauf que tant que les propriétaires ne sont pas indemnisés et les travaux et réparations pas réalisés, « on attend et on pleure ».

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