Des maisons fissurées à cause de la sécheresse : c’est le calvaire auquel sont confrontés de plus en plus d’habitants, face au manque d’eau et aux canicules à répétition.

Par Johann Foucault Publié le 21 Août 22 à 18:42
Le manque d’eau dû à la sécheresse et les vagues de fortes chaleurs n’ont pas qu’un impact sur l’environnement et les organismes vivants. Les habitations, elles-aussi, souffrent des fortes températures.
Pour preuve, les fissures qui apparaissent dans les murs de plus en plus de maisons depuis les épisodes de sécheresse des dernières années. Une situation dramatique pour les propriétaires qui peinent à se faire indemniser par les assurances.
Pourtant, le phénomène est loin d’être isolé. Plus de dix millions d’habitations pourraient être concernées en France.

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Les « premières victimes » de la canicule et de la sécheresse
« Nous sommes les premières victimes de la sécheresse. Les maisons fissurées sont moins médiatiques que des tornades, les inondations ou le feu, mais on a aussi besoin d’être assistés et aidés », déclarait en juin 2022 à notre rédaction Les Nouvelles de Sablé Mohamed Benyahia, président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe.
Depuis 2018, la sécheresse que connaît le département de la Sarthe a provoqué des fissures dans au moins 200 habitations, dont celle de Mohamed, qui menace de s’effondrer. Il raconte à actu.fr :
Ça a commencé avec une fissure, en septembre 2018. Malgré la pose d’étais, la maison aujourd’hui est un danger. On l’entend craquer, je n’arrive plus à dormir, et c’est de pire en pire car c’est toute la structure qui est endommagée.
Mohamed Benyahia
Président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe

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Pourquoi les maisons se fissurent ?
Principale cause de l’apparition de ce genre de fissures : le réchauffement climatique et ses conséquences au niveau des sols argileux, qui « possèdent la propriété de voir leur consistance se modifier en fonction de leur teneur en eau », explique Géorisques, le portail gouvernemental spécialisé dans les risques.
C’est le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux : « En contexte humide, un sol argileux se présente comme souple et malléable, tandis que ce même sol desséché sera dur et cassant », précise le site.
Ainsi, lorsque la teneur en eau augmente dans un sol argileux, on assiste à une augmentation du volume de ce sol, on parle alors de « gonflement des argiles ». Au contraire, une baisse de la teneur en eau provoquera un phénomène inverse de rétractation ou « retrait des argiles »
Portail Géorisques

Plus de 10 millions d’habitations concernées
Selon le ministère de l’Écologie, 10,4 millions de maisons individuelles sont « potentiellement très exposées » à ce risque de retrait-gonflement des argiles.
« Amplifiés par les épisodes de sécheresse », ces mouvements de sol « constituent un risque majeur en raison des dégâts matériels qu’ils provoquent », affirmait en 2021 le ministère de l’Ecologie, lors de la mise à jour de la carte de France des zones à risque. Et ce nombre pourrait continuer à augmenter en raison du réchauffement climatique et du risque de canicules et de sécheresse à répétition.

Vous pouvez également trouver les informations sur le niveau d’exposition à ce risque de votre parcelle sur la carte interactive de Géorisques, accessible ici. Dans ce tuto, le site explique comment trouver les informations.
C’est le cas dans le sud-Sarthe par exemple, dans la commune de Saint-Georges-de-la-Couée. Là-bas, une « veine argileuse » qui s’étend sur le territoire provoque des fissures dans les maisons avec la sécheresse, expliquait le maire Sylvain Bidier, en 2021, à notre rédaction du Petit Courrier.
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« Avec les sécheresses qui s’accentuent ces dernières années en raison du réchauffement climatique, on observe à certains endroits une déformation des fenêtres et des huisseries, des fissures, un impact sur le sol des maisons qui tend à s’affaisser », expliquait l’élu.
Et cette année, la sécheresse historique risque de ne rien arranger, au contraire.

Se faire indemniser, un parcours du combattant
Que ce soit dans la Sarthe, en Vendée, en Seine-et-Marne, dans le Nord ou près de Toulouse, les propriétaires de maisons fissurées dressent tous le même constat : bon courage pour se faire indemniser, et dans la plupart des cas, il faut engager un véritable bras de fer.
Déjà, avant que les assurances ne rentrent en jeu en vue d’une éventuelle indemnisation, il faut que la commune soit reconnue en état de catastrophe naturelle.
Pour cela, il faut que la commune saisisse la préfecture, qui doit elle-même saisir le ministère de l’Intérieur, détaille notre rédaction Le Journal des Sables, aux Sables d’Olonne (Vendée), où des habitations sont touchées. Puis, écrivait-elle début août, si un décret ministériel inscrit au Journal officiel déclare l’état de catastrophe naturelle, le sinistré, une fois averti du décret, dispose alors de 10 jours pour avertir son assurance de la déclaration de sinistre.
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En moyenne, « la procédure de reconnaissance prend dix mois », selon le calcul de Mohamed Benyahia. Commence ainsi, bien souvent, une bataille avec les assurances, comme l’expliquait début août, à notre rédaction La Marne, l’association Les Oubliés de la canicule, où de nombreuses habitations sont confrontées au phénomène en Seine-et-Marne.
L’obtention de ce décret de catastrophe naturelle pour un territoire ne constitue pas une fin en soi et ne garantit pas que les assurances acceptent d’indemniser les sinistrés à hauteur de leurs dommages et de la remise de leur bien en l’état, de manière pérenne, tel qu’il se trouvait avant ce phénomène de catastrophe naturelle reconnu. Même une fois reconnu en catastrophe naturelle, il est très difficile d’être indemnisé, ce n’est pas automatique et 90 % des sinistrés se battent des années.
Association Les oubliés de la canicule
Repenser la procédure
En attendant, la situation évidemment se détériore dans les habitations touchées, faute de réparations engagées. Avec la crainte pour les sinistrés, qu’un jour, leur maison ne leur tombe sur la tête. Face à cette situation, Mohamed Benyahia dénonce une opacité autour de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Selon l’arrêté du 26 juillet 2022 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, une vingtaine de communes seulement ont été reconnues pour cette raison de « mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Près de 120 ont été recalées.
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Mohamed Benyahia fustige des critères pas pertinents et pas adaptés à la situation de ces dernières années, associés à un manque de transparence dans la prise de décision de la commission interministérielle. Le sinistré milite pour un changement méthode.
Il faudrait qu’à chaque apparition d’une fissure, une étude des sols soit réalisée et reconnue par les assurances. Ce serait le moyen le plus simple et le plus rapide de déterminer si cette fissure est due à la sécheresse.
Mohamed Benyahia
Président de l’association Urgence maisons fissurées Sarthe.
Une façon de parer à l’urgence de la situation, alors que de 2020 à 2050, la facture des indemnisations dues à la sécheresse est estimée à 43 milliards d’euros selon la Fédération française de l’assurance. Sauf que tant que les propriétaires ne sont pas indemnisés et les travaux et réparations pas réalisés, « on attend et on pleure ».